Elle a posé un sourire sur son visage.
Il est facile à accrocher, personne ne remarquera les pressions qu’elle clipse derrière les oreilles.
Par chance les oreilles n’ont plus d’expression, elles sont inertes et suffisamment ourlées pour déguiser les attaches.
Ce jour-là, elle a choisi le sourire moqueur.
Il se porte facilement. Si la bouche grimace dessous on peut la prendre pour un demi-rictus, ou même une moue molle dubitative.
Le sourire moqueur est facile à feindre. Le brocard peut être joyeux, narquois, hautain, tendre parfois, souvent odieux… lorsqu’il se fend un peu.
Ce sourire malléable joue une gamme étendue là, sur le dos, sur le sol, il se rit des silences et des soupirs.
Il pourrait aussi exprimer sa gêne, ou même sa timidité, en le voilant d’un doigt. Se cacher. Surtout se cacher. Mais aujourd’hui il ne le désire pas.
Il s’expose, explose en pleine face, lèvres écartelées, on n’y voit que du feu, joie de vivre, éclat.
Les gens sont si faciles à berner, si crédules ! Un visage aimable s’offre à eux, coquin ou mutin suivant l’angle du regard, ironique peut-être, mais à peine effleuré…..Non, ils n’ont rien vu. Ils gobent.
Un sourire mot cœur qui fait des siennes, à grands battements d’elle. Pour taire le tam tam tam.
Sans mot cœur il s’envole. Il dévie, il défie. Il dénie. Quand la nuit tombe, les spectateurs s’éteignent.
Elle se retrouve seule face au miroir qui ne la regarde pas. Elle ne bouge pas, mais son image oscille de gauche à droite, porté encore par le sourire.
Alors le sourire se brise.
Eve de Laudec, janvier 2014