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Le coupe –ongle


- Avez-vous un coupe-ongles ?

Je la vois qui se gratouille l’ongle du majeur avec celui de son pouce, d’un petit geste exaspéré. Toujours serviable, pensant qu’elle a une malencontreuse cassure, je lui propose

Oui, bien sur, dans mon sac, vous le voulez ?

Absolument ! donnez-le-moi !

D’un geste prompt elle s’en empare et le met dans une pochette en plastique. Interloquée je la regarde.

Heu…vous le gardez ? mais j’en ai besoin !

D’accord, allez-y, coupez devant moi et vous me le redonnerez après

Mais je ne veux pas me couper les ongles maintenant !

Alors je le garde ! il vous est interdit de garder des armes dans votre chambre !

Mais vous plaisantez là ? Une arme, un coupe-ongles ? Vous vous figurez que je vais me couper les veines avec un instrument qui arrive difficilement à bout des petites peaux et même pas des ongles de pied ? ce ne sont pas des ciseaux !!

Désolée, mais c’est le règlement…

Ouille, la fouille !!! On me vide mon sac à main, ma trousse de toilette, mes poches, avez-vous des médicaments, non même pas du Doliprane, si vous avez mal à la tête on vous en donnera si le médecin le prescrit, mais rien avec vous, pas question, dépouillée je suis…

- Qu’avez-vous dans cette bouteille ? Du parfum ? Je la prends, le parfum est interdit ici !

- Le parfum ? Pourquoi ?

- Pour l’alcool qu’il contient ! Buvez-vous ? Avez-vous des problèmes avec l’alcool ?

- Mais je porte toujours du parfum sans alcool, car je suis allergique !

Elle me la rend, ouf, une petite chose qui m’est autorisée ici, mon odeur !!!

Mais cachez-le ! ici, il y a des vols, les patients alcooliques boivent les parfums !

Aïe ! C’est pas gagné ! Mettre tout sous clef ! Penser à vérifier que le placard ferme bien…

Je déballe ma valise, mes vêtements sondés par une main leste et professionnelle… Oh, attention à mon ordinateur…

C’est quoi ce fil ?

Ben, c’est mon cordon d’ordinateur…

Interdit, les cordons, je le garde !! ce sont des armes !

Ah non, ça, c’est pas possible, si je ne peux plus brancher mon ordi je ne reste pas là ! Surement pas ! C’est du grand n’importe quoi ! Pire qu’une prison ici …

… mais voyez, c’est la rallonge pour le fil d’alimentation, ça fait partie de l’ordi ! Quoi ? Quoi ? Une rallonge électrique, c’est interdit ? Mais regardez donc où sont les prises dans cette chambre, il n’y en a qu’UNE !! Elle est loin de la table, et la table, elle est fixée dans le sol ! Et ce sol-là, je ne peux pas le bouger ! Alors, comment je fais sans rallonge, moi ? Je bosse par terre ? Sans mon ordi, JE NE RESTE PAS ICI !! C’est ça, allez demander au médecin chef…

Le temps passe, elle ne revient pas, cette putain d’infirmière, je tourne en rond dans cette chambre où lit et table sont vissées, une cellule de luxe mais une cellule quand même, en attendant je prendrais bien l’air, j’ouvre une fenêtre, aïe, elle bute, juste entrouverte, bloquée ! Même les fenêtres sont bloquées, si on avait des envies de sauter par là,( mais au rez-de-chaussée impossible de se faire mal, mais de se faire la belle, oui !) horreur, de grandes baies vitrées, que j’avais vues sur le prospectus vantant le confort des chambres de cette clinique de luxe, impossible à ouvrir, la tentation pure et simple d’un dehors inaccessible….Tantale, au secours !
Ah, la voilà…

Pour aérer, Madame, vous ouvrez la porte du couloir ! On n’ouvre pas les fenêtres (Tiens, voilà que je suis « on » j’ai déjà si peu d’identité, ou c’est le « on » qu’on réserve aux débiles, aux « gentils » comme ils les nomment)…Et pour la rallonge, le docteur a dit que c’était interdit, mais il autorise le cordon de l’ordinateur…trop court ? …ah, je n’y peux rien…. Installez-vous, je reviens avec votre traitement….

Vite vite, Yves, je t’en prie, va m’acheter un autre cordon d’ordinateur plus long, puisqu’un cordon est autorisé, mais pas une rallonge, contournons le problème, il y a surement un magasin d’ouvert, sinon je ne reste pas, tant pis, je n’ai plus que ça, mon ordi, et ce qui est dedans…

Je sanglote …Je n’en peux plus, qu’on ne m’arrache pas ce qui me relie avec le monde extérieur, le temps que je purge ma peine…
Ah, merci, tu as trouvé, un cordon d’ordi d’une seule pièce, il est long, sinueux, noir, brillant, oh que je l’aime ce cordon sauveur, je vais quand même le cacher au cas où…la corde pour me pendre…. Merci Yves…..

Seule. Le temps que je m’acclimate. Je fais le tour du propriétaire. Fil interdit ? Quelle blague !! Il y a le cordon de la sonnette d’urgence, je teste, je tire, il est solide…



Un petit lit, très très très petit, minuscule même, peut-être plus pratique pour être ligoté en cas d’ »agitation » je m’allonge, matelas dur, caoutchouc sous le drap qui flocfloque et j’ai les pieds qui dépassent lorsque je mets ma tête sur l’oreiller…Je la mettrai donc dessous…

Dans la salle de bain, une baignoire ; bizarre, je pourrais me noyer dedans, ce ne serait donc pas une arme potentielle ? Et, oh surprise, que vois-je pendre au-dessus? Un superbe flexible de douche, rutilant, annelé, attirant, je me dépêche d’en faire un escargot autour des robinets pour ne pas éveiller l’attention, mine de rien, mine de tout…

Et maintenant, à la chasse aux œilletons, aux caméras, aux mouchards, aux trous dans le mur, dans la porte, comment déjouer leur surveillance, leur espionnite, leur attention, leurs soupçons, comment font-ils pour voir et savoir ce que l’on fait dans nos chambres ?

Je teste la prise de courant, impossible d’enfoncer les doigts en V, elle est prévue anti-lettre, cette conne ! Je cherche dans ma trousse de toilettes. Oh oh, mon nécessaire à ongles a échappé par miracle à la fouille, ils n’ont pas regardé, j’ai une pince à épiler, moi qui n’ai jamais rien à épiler, je ne vais pas vous dénoncer, vous, les infirmières qui avez failli dans votre boulot, hihihi, en écartant les branches, un peu, qui sait….

Ouf ! Sont toujours là les médocs qui apaisent mes angoisses mieux que ceux qu’ils vont me donner, abrutissant, camisolant, effaçant, zombissant, mes petites boites secrètes, n’ont pas mis la main dessus, planquées dans mes tennis ! Mes Nike recommandées dans le trousseau pour quand je serai « rétablie », quand j’aurais le droit de sortir, quand je saurai marcher seule, quand j’irai faire mon tour et retour entre le premier arbre et le troisième, en rond, toujours en rond, en chantant » les ronds dans l’eau » ou « je tourne en rond » de Zazie ou…ou….

Madame, c’est l’heure de vos remèdes….
Madame, c’est l’heure de vos remèdes…
Madame…..
Ma……………………………………………………………………

……Encore une piqure.
Encore des gouttes infâmes à avaler. Je ne résiste même plus. Ils m’ont eu…



J’émerge lentement d’une brume ouateuse.
Des jours ont passés, beaucoup de jours, à la longueur de mes ongles, beaucoup beaucoup trop longs….
Pourrai-je avoir mon coupe-ongles ?







Eve de Laudec
6 octobre 2010

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